Le comité de relecture des Codes Pénal et de Procédure Pénal recommande à l’exécutif de rapporter les documents

Les membres du comité de relecture des Codes Pénal et de Procédure Pénal ont adressé au ministre de la Justice et de la sécurité public Me Berto Dorcé leur rapport final de travail dans lequel ils recommandent de rapporter les décrets d’adoption des Codes pénal et de procédure pénale du 11 mars 2020 dont l’entrée en vigueur est prévue le 24 juin 2022.
« A l’examen d’ensemble des deux Codes, le comité de relecture constate une retranscription des Codes français dans le prolongement du mimétisme législatif inauguré sous la présidence de Jean Pierre Boyer contre l’effort de créativité juridique nationale au début du 19e siècle. Or, cette forme de réception juridique a le défaut majeur de ne pas tenir paradoxalement compte de la réalité que la norme transposée est appelée à régir. Aucune politique n’est ainsi préalablement définie pour décider des choix normatifs. L’esprit des lois est absent ». lit-on dans le document.
Les conséquences de la transposition des Codes ne sont pas moins dramatiques, soulignent les membres du comité. Ils expliquent que les normes pénales adoptées selon ce mode entrent, à certains égards, en conflit direct avec la norme constitutionnelle qu’elle modifie par une inversion anormale de la hiérarchie des normes. Rattachées à l’ordre juridique européen, elles lui donnent préséance sur l’ordre régional américain auquel Haïti est liée par la Convention américaine des droits de l’homme.
Elles imposent aussi des options de société non débattues et assumées s’agissant notamment des incriminations et des sanctions dont l’exécution froisse la culture haïtienne et impliquent, en outre, un coût exorbitant pour le trésor national. Enfin, elles cristallisent, en matière de procédure pénale, une configuration de l’enquête dont la France, dernière représentante en Europe d’un tel modèle, finira par se défaire probablement dans un avenir proche.
« Les Codes pénal et de procédure pénale ont donc été proposés à partir d’un processus défiant la légistique matérielle. Ils ne procèdent pas d’une politique de réforme pénale définie en amont. Ils ne répondent pas à un diagnostic suffisant de la matière pénale. Ils ne découlent pas de consensus sur les choix et orientations majeures adoptés. Ils dérivent d’une logique d’assimilation de la société haïtienne par rapport à la France, ignorant ainsi les réalités locales et le contexte régional. »
Pour toutes les raisons invoquées, y compris le fait que la mise en place préalable de l’ensemble du dispositif de mise en œuvre prévu n’a pas été réalisée, leur entrée en vigueur n’est ni souhaitable, ni raisonnable ni possible, estiment les membres du comité de relecture des Codes Pénal et de Procédure Pénal.
Se fondant sur l’ensemble de ces considérations, le Comité de relecture formule les recommandations suivantes : définir une politique de réforme de la justice pénale (vision, grands axes, options fondamentales…) en fonction d’un diagnostic préalable de la situation ; déterminer le choix à opérer entre une réforme globale, partielle ou à droit constant ; évaluer les deux codes pour en extraire les éléments pouvant contribuer à la modernisation de notre justice pénale ; remettre sur pied sous l’égide du Ministère de la Justice et de la Sécurité publique le Secrétariat permanent de coordination et de suivi de la réforme judiciaire et de la refonte des codes haïtiens prévu par l’arrêté du 28 mars 2003 réunissant des professionnels pluridisciplinaires (juristes, légistes, sociologues, anthropologues, linguistes…) chargés d’élaborer une véritable proposition plus équilibrée de réforme de la matière pénale.
Le comité de relecture est composé des anciens bâtonniers Stanley Gaston et Carlos Hercule, de la juge Norah Jean François et des professeurs Patrick Pierre Louis et Alain Gilles.
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