Ironie et déraison !

Par Jackson Joseph
Dans le département du Sud, le 29 mars dernier, s’est tenue une journée de mobilisation contre l’insécurité et le bloquage de Martissant par les bandits. Des manifestants en colère, ont incendié un petit avion humanitaire qui se trouvait sur la piste de l’aéroport Antoine Simon des Cayes. Le chef du gouvernement, Ariel Henry, a pris la décision de dépêcher sur place, plus d’une vingtaine de policiers pour assurer la sécurité de l’aéroport.
D’aucuns voient une ironie de mauvais goût dans cette décision visant à éviter que la population mobilisée ne cause beaucoup plus de dégâts que la dernière fois.
On trouve encore plus ironique que ces policiers, pour se rendre à cette mission, aient dû contourner Martissant jusqu’à se retrouver embourbés sur la route de Saint Jude. Et, c’est cette même population qu’ils refusent de sortir de la boue et qu’ils s’en allaient matter, qui les a désembourbés.
C’est une situation qui donne à réfléchir une fois de plus sur la capitulation de l’État face aux gangs armés. Mais encore, ne devrait-on pas y voir une attitude délibérée et machiavélique du Gouvernement en place et de la Police de laisser aux bandits, qui terrorisent ce peuple, le champ libre pour qu’ils continuent de se la couler douce et ainsi éviter qu’ils soient soumis à la reddition de compte.
Pire, ce gouvernement se croit tout permis parce qu’il est supporté par le blanc-colon patron qui n’a rien à foutre du peuple haïtien pourvu que ses petits chiens de garde remplissent bien leur fonction d’esclaves modernes de maison. Et le constat est bien clair. Il saute aux yeux de tous, Haïtiens ou étrangers, fussent-ils des aveugles-nés.
Il y a une seule alternative aujourd’hui: les masses populaires, les plus grandes victimes de cette bêtise haïtienne devenue norme. Ce sont elles qui doivent se révolter pour rendre la monnaie de sa pièce à ces bourreaux-gouvernants et à cette frange de la société qui donne l’impression d’être concernée par son mal mais qui condamne les petits actes de violence dès qu’ils atteignent ses intérêts immédiats.
Sinon, il n’y aura jamais de révolution et cet état de fait va encore se pérenniser. Car, pour qu’il y en ait, les masses doivent mener leurs batailles dans la déraison pour forcer les oppresseurs à retrouver la raison collective.
Il n’y a pas de mouvement de révolte où les révoltés demandent la permission aux bourreaux qui fixent les limites à ne pas franchir. Sinon, il n’y a pas de révolution et le statuquo s’installera comme le mal de tous les siècles.
En Haïti, il y a une hypocrisie sordide et destructrice des aspirations des masses populaires, les éternelles victimes de l’État haïtien, des conservateurs et des classes réactionnaires. Et ce, depuis au moins les cinquante dernières années. C’est un élément corrupteur et pernicieux aux changements des conditions de vie du peuple haïtien.
Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule alternative, la révolte de ces masses populaires opprimées qui doivent, au-delà des théories politiques faisant croire que cette catégorie ne fait pas de révolution sans qu’elle ne soit guidée par une classe éclairée, faire tomber cette approche, semer la déraison pour obtenir leur droit de vivre comme des personnes humaines à part entière.
Il n’y a pas d’autres voies. Et d’ailleurs on en cherche sans résultat. Il faut donc se battre. Et voilà! Je dis tout haut ce que vous refusez de reconnaître même tout bas.
Jackson Joseph pour la nouvelle Haïti !