septembre 21, 2023
HAITI Insécurité

Haïti – drogue : Jovenel Moise rédigeait une liste de narcotrafiquants révèle le New York Times

Quelques mois avant son assassinat, l’ancien président Jovenel Moise  travaillait sur une liste de puissants politiciens et d’entrepreneurs impliqués dans le trafic de drogue en Haïti. L’ex-patron d’Agritrans avait l’intention de remettre au gouvernement américain cette fameuse liste, selon les révélations du journal américain New York Times. Une décision qui, selon les  enquêteurs, serait, à côté d’autres mesures, à la base de  l’assassinat brutal de l’ex-chef de l’Etat chez lui le 7  Juillet dernier.

Désigné pour être le successeur de Michel Martelly aux élections de 2015, Jovenel Moise avait eu du mal à s’associer avec les proches de la famille présidentielle d’alors. Selon les révélations de New York Times, celui que l’on surnommait « Neg Bannann nan » a été dans le collimateur de  Charles “Kiko” Saint-Rémy, frère de l’épouse de Martelly. L’homme d’affaires haïtien suspecté par la DEA d’être impliqué dans le trafic de drogue, occupait une place centrale dans la liste de M. Moïse, selon deux des hauts fonctionnaires haïtiens interrogés dans le cadre de cette enquête.

Par cette démarche, l’ex-chef de l’état avait voulu montrer sa volonté  de lutter contre le trafic de drogue en Haïti. Est-ce pourquoi, il avait demandé aux rédacteurs de la liste de n’épargner personnes pas même les faiseurs de rois qui l’avaient propulsé au pouvoir, selon le journal américain.

Dans les mois ayant précédé sa mort, Jovenel Moïse avait pris des mesures pour faire le ménage dans les services douaniers haïtiens, nationaliser un port maritime connu pour des activités de contrebande, détruire une piste d’atterrissage utilisée par les trafiquants de drogue et enquêter sur le lucratif commerce de l’anguille.

Kiko St-Remy est le numéro un de cette nouvelle industrie identifiée comme étant un canal de blanchiment de fonds. Sous la présidence de son beau-frère, M. Saint-Rémy exigeait souvent que les meilleurs permis et contrats lui soient attribués, notamment des permis d’exportation d’anguille.

Jacques Jean Kinan, un cousin de Jovenel  Moïse, explique que lui et M. Moïse avaient travaillé avec M. Saint-Rémy dans l’industrie de l’anguille.

Comme l’emprise de M. Saint-Rémy sur le commerce de l’anguille se renforçait, Jovenel Moïse avait décidé de se retirer du secteur et de se concentrer sur Agritrans.

“Mon père disait que la famille Martelly s’était accaparé du commerce de l’anguille et qu’il était difficile d’y accéder”, a indiqué au journal américain, Joverlein Moïse, fils du président défunt.

Autre nom important évoqué dans cette enquête est celui d’Evinx Daniel. Jovenel Moise était resté en contact avec ce dernier qu’il avait rencontré en 2000, et qui était devenu son véritable partenaire en affaires. M Daniel qui est également  un proche de Michel Martelly, sera plus tard accusé de trafic de drogue.

Le New York Times rappelle qu’en 2013, Evinx  Daniel avait été arrêté sur ordre du commissaire du gouvernement des Cayes Jean Marie Junior Salomon, pour trafic de drogue. Mais peu de temps après, il allait recouvrer sa liberté sur ordre du ministre de la justice d’alors.

D’autres personnalités dont Esther Antoine, Gabriel Fortuné, Ariel Henry et Joseph Felix Badio sont également mentionnées dans cette enquête.

Madame Antoine qui  était chargée de peaufiner l’image de Jovenel Moise quand il était candidat afin de remédier à un bégaiement qui le gênait, reconnaît que M. Moïse fermait souvent les yeux sur la corruption au sein de son gouvernement, pour éviter de se faire des ennemis et faire avancer ses propres projets, ont souligné les enquêteurs.

“Le vrai leader, ce n’était pas le président”, “C’était son parrain, Martelly. Des déclarations signée feu Gabriel Fortuné, dans un entretien avec le journal Avant son décès dans le tremblement du 14 Aout. Quand on dit le parrain, on parle de parrain à l’italienne, donc “la famille”, a  ajoutél’ancien maire des Cayes.

En prenant ses fonctions, Jovenel Moïse s’est vite rendu compte que le contrôle étroit exercé par M. Martelly et sa famille durant la campagne s’étendait jusqu’à sa sécurité personnelle, d’après les témoignages de plusieurs responsables. L’ex chef de l’Etat a d’ailleurs hérité de Dimitri Hérard membre essentiel de la force de sécurité présidentielle de M. Martelly, comme chef de l’unité de police chargé de la protection du palais national.

Suspecté de trafic de drogue, Dimitri Hérard a été surpris en train d’espionner Jovenel Moise pour le compte de Kiko Saint-Rémy, l’informant de l’identité de ceux que le président rencontrait.

En tout cas, selon les conclusions de cette enquête, l’élaboration de cette liste serait l’une des principales causes de l’assassinat brutal de Jovenel Moise le 7 juillet dernier. 

“Jovenel m’a raconté qu’il avait un plan qu’il voulait mettre en œuvre, mais qu’il ne pouvait pas car ‘ils me tueront’, m’a-t-il dit,” a déclaré au journal un puissant politicien qui a travaillé comme conseiller informel de M. Moïse.

Le journal américain a tenu à rappeler également que lorsque des hommes armés ont fait irruption dans la résidence de Jovenel  Moïse et l’exécutent dans sa chambre à coucher, sa femme Martine Moïse qui gisait dans son sang sur le sol, se faisant passer pour morte,  a  raconté comment les assaillants se sont mis à fouiller précipitamment la pièce et dans ses dossiers.

Et les enquêteurs qui étaient retournés sur la scène de crime, ont fait mention du sabotage du bureau du président par ses assassins, et ont retrouvé des documents éparpillés partout. Le  New York Times note que lors de leurs interrogatoires, certains des tueurs à gages arrêtés après le crime, ont avoué que leur priorité absolue était de récupérer la liste sur laquelle travaillait Jovenel Moise.  Celle des présumés trafiquants de drogue haïtiens.