mars 26, 2023
HAITI Politique

À quoi servent les années ?

À quoi servent les années ?

Elles nous vieillissent sans nous laisser vivre les beaux jours de la jeunesse. Elles nous font regretter le passé et nous font craindre l’avenir.

Pour nous, le temps s’écoule bien trop vite. Et nos rêves, pris de cours, s’estompent avec nos espérances.

Les ans nous font perdre nos illusions et nos assurances, même si parfois, presque toujours, nous nous y accrochons comme à nos biens les plus précieux.

Chaque nouvelle année en Haïti renforce nos idées fantasmagoriques sur notre avenir et la matérialisation de nos désirs les plus fous.

Mais le plus contrastant, c’est que les échecs des ans, la dégradation de nos conditions de vie et la dégénérescence des réalités ambiantes ne nous bronchent pas.

Certaines personnes paraissent parfois désabusées, décontenancées, déçues, au fur et à mesure que les ans passent et qu’ils trompent leurs rêves. Ils s’avouent même vaincus très souvent.

Mais en réalité, et généralement, ce qu’ils font, c’est plutôt abandonner la scène, quitter le champ de bataille, devenir spectateurs plutôt que de demeurer acteurs.

Avec encore l’espoir que ceux qui y résistent, feront mieux, qu’ils remporteront les victoires qu’ils n’ont pas su s’octroyer.

Haïti, c’est une terre complexe. C’est une vie improbable. Ce sont des conditions de vie précaires. Et chaque année qui passe emporte avec elle un peu de sa quintessence.

Haïti, c’est une inspiration, c’est un modèle de liberté mais en décrépitude. Il n’en reste que les vestiges de l’histoire. Il n’en reste que la vaillance du passé.

Les années vont et viennent. L’espoir du renouveau ne le fait pas naître, les mille et un souhaits que nous adressons donnent l’impression d’empirer nos malheurs plutôt que de les réparer.

C’est peut-être parce que nos conditions ne vont pas s’améliorer à coup de souhaits, à coup de promesses! C’est peut-être parce que le changement exige beaucoup plus que de simples discours!

Chaque nouvelle année en Haïti semble nous plonger dans des désespoirs plus grands. Les années, loin d’illuminer l’avenir, semblent amenuiser ce qu’il reste de la toute petite percée de lumière à l’horizon.

En Haïti, nous mourons sans avoir vécu. Nous mourrons avec l’envie de vivre. Nous mourrons avec l’espoir de revivre.

En Haïti, la vie est courte. Et ce n’est même pas parce qu’elle est happée chaque seconde par nos assassins en complet-veston ou va-nu-pieds en haillons.

Mais simplement parce que nous n’avons pas le temps de vivre même après quatre-vingts ans. Et nous avons tendance à croire que c’est par la faute des ans.

En tout cas, le cycle reprend et nous lance dans l’incertitude des jours. Cette nouvelle année ne donne pas l’air de vouloir compatir avec nos maux et notre lassitude.

Elle s’attribue le sang pour nourrir ses premiers jours. Elle annonce l’effroi, l’émoi et l’écœurement. Elle annonce des temps de malheur. Elle annonce un destin froid.

Sauf que les années ne devraient pas être nos forgeuses de destin. Les peuples forgent leur destin. Nous sommes habitués à muer le temps et à transformer la servitude abjecte en des jours heureux.

Alors recommençons ensemble et donnons-nous un nouveau destin au-delà des ans.

Jackson Joseph pour la nouvelle Haïti!